Sommaire
- Au-delà de l’apport en numéraire, les associés d’une SAS peuvent réaliser des apports en nature, c’est-à-dire transmettre à la société un bien (matériel ou immatériel) en échange d’actions.
- Un apport en nature peut concerner un véhicule, un local, du matériel, un fonds de commerce ou encore un logiciel.
- La société doit mentionner l’apport dans les statuts et, dans certains cas, faire appel à un commissaire aux apports si les seuils de valeur sont dépassés.
- Ce type d’apport permet de constituer ou augmenter le capital social sans mobiliser de liquidités, mais il doit être évalué formellement pour éviter les litiges ou sanctions fiscales.
Qu'est-ce qu'un apport en nature dans une SAS ?
Un apport en nature désigne tout bien autre qu’une somme d’argent qu’un associé met à disposition d’une SAS en échange d’actions. Contrairement à l’apport en numéraire (de l’argent), il s’agit ici de transmettre la propriété d’un bien matériel ou immatériel à la société. En contrepartie, l’associé reçoit des titres (actions) proportionnels à la valeur du bien apporté.
Ce type d’apport peut prendre des formes très diverses :
- un véhicule, un local, du matériel informatique ou industriel (machines, équipements…) ;
- un fonds de commerce déjà existant ;
- des biens incorporels comme un brevet, un logiciel ou même une marque déposée.
Tout le monde peut réaliser un apport en nature dans une SAS : personne physique ou morale, mineur émancipé ou même un majeur sous curatelle (avec l’accord du curateur). La seule condition ? Être propriétaire du bien au moment de l’apport.
Les apports en nature permettent de constituer le capital social, au même titre que les apports numéraires. En revanche, un apport en nature doit faire l’objet d’une évaluation car il faut pouvoir déterminer la valeur exacte du bien au moment de sa mise à disposition.
Bon à savoir : les apports en nature en SASU suivent les mêmes règles que dans une SAS. Il est donc tout à fait possible de réaliser un apport en nature dans une SASU, c’est-à-dire une SAS à associé unique.
Pourquoi faire un apport en nature dans une SAS ?
L’apport en nature est un levier stratégique pour construire un capital social sans mobiliser immédiatement des liquidités. Cela vous permet d’investir dans votre société sans avoir à sortir d’argent.
Voici dans quels cas l’apport en nature peut être intéressant :
- Réduire le capital à libérer en numéraire : au lieu d’apporter de l’argent, vous pouvez intégrer des biens que vous possédez déjà. Vous limitez ainsi l'effort financier au démarrage.
- Valoriser un patrimoine professionnel existant : un véhicule, du matériel ou un local professionnel peuvent être utilisés pour créer de la valeur dans la société.
- Intégrer un associé qui contribue avec un bien : un apport en nature permet de faire entrer un associé qui ne dispose pas de fonds, mais qui met à disposition un bien utile à l’activité.
- Bénéficier d’un outil de travail dès le lancement : en apportant un bien directement exploitable (ordinateur, machine, brevet…), vous évitez des investissements supplémentaires.
En revanche, l’apport en nature implique quelques contraintes. Retrouvez dans ce tableau le récapitulatif des avantages et inconvénients d’un apport en nature en SAS.
Comment justifier un apport en nature en SAS ? Procédure, formalités et statuts
Pour être intégré au capital social, chaque apport en nature doit suivre une procédure bien définie, qui vise à protéger les associés et garantir la transparence de l’opération. Voici les démarches à effectuer.
1 - Évaluer le bien apporté par les associés
Tout commence par une évaluation des biens que l’associé souhaite transférer : matériel, véhicule, logiciel, brevet, etc.
Avant toute chose, il faut vérifier que l’associé est bien propriétaire du bien. Le bien doit également être libre de tout engagement (non gagé, non loué) et utilisable dans le cadre de l’activité de la société.
Deux options sont ensuite possibles pour l’évaluation :
- Autoévaluation par les associés : si chaque bien vaut moins de 30 000 € et si la totalité des apports en nature représente moins de 50 % du capital social.
- Recours obligatoire à un commissaire aux apports : dans tous les autres cas (au-delà de 30 000 € par bien ou si les apports en nature dépassent la moitié du capital). Ce professionnel indépendant rédige un rapport afin d’apprécier la valeur de l’apport en nature.
2 - Rédiger un rapport et modifier les statuts
Le cas échéant, le rapport du commissaire aux apports doit être joint au dossier d’immatriculation ou de modification de la société. Dans tous les cas, les statuts doivent mentionner les éléments suivants :
- la description précise de chaque bien apporté ;
- sa valeur d’évaluation ;
- le nombre d’actions attribuées en contrepartie ;
- les modalités de transfert à la société.
3 - Transférer officiellement le bien à la SAS
L’associé doit ensuite procéder à la remise effective du bien à la société. Il s’agit du transfert de propriété ou de jouissance (selon le type de bien), qui s’effectue au moment de l’immatriculation de la SAS. La société peut alors utiliser le bien dans le cadre de son activité.
Bon à savoir : Il existe différents types d’apports en nature. Les droits de la société sur le bien seront différents selon la nature de l’apport :
- Apport en propriété : le bien sort définitivement du patrimoine de l’associé et devient la propriété de la société. Cette dernière peut l’utiliser, en percevoir les fruits (comme les loyers), ou même le revendre.
- Apport en jouissance : le bien reste la propriété de l’associé, mais la société peut l’utiliser librement pendant une durée définie. L’apporteur pourra récupérer son bien.
- Apport usufruit : la sociéte n'est pas propriétaire du bien, mais elle peut l'utiliser et en percevoir les revenus, tant que dure l'usufruit.
4 - Attribuer les actions correspondantes
Une fois l’apport validé et inscrit dans les statuts, la société émet des actions équivalentes à la valeur du bien apporté. L’associé devient ainsi propriétaire d’une partie du capital, à hauteur de son apport.
5 - Déposer le dossier d’immatriculation
Il ne reste plus qu’à effectuer une demande d’immatriculation (en cas de création) ou la déclaration de modification (en cas d’apport en cours de vie sociale) sur le site du Guichet Unique. Cette formalité est obligatoire, que l’apport intervienne à la création ou en cours de vie sociale.
Vous devrez transmettre les pièces justificatives suivantes :
- exemplaire des statuts mis à jour ;
- récépissé du dépôt du rapport du commissaire aux apports ;
- attestation de publication dans un journal d’annonces légales ;
- exemplaire du procès-verbal actant et constatant la réalisation de l’augmentation de capital.
Une fois validé par le greffe, l’apport en nature est officiellement enregistré, et la société peut utiliser le bien dans le cadre de son activité.
Commissaire aux apports : est-ce toujours obligatoire ?
Non, la désignation d’un commissaire aux apports n’est pas systématique dans une SAS. Ce professionnel est chargé d’évaluer les biens apportés en nature. Dans certains cas, les associés peuvent s’en dispenser.
La nomination d’un commissaire aux apports n’est pas obligatoire si les deux conditions suivantes sont réunies :
- aucun bien apporté n’a une valeur supérieure à 30 000 € ;
- l’ensemble des apports en nature représente au maximum 50 % du capital social.
Si une seule de ces conditions n’est pas respectée, alors la désignation d’un commissaire aux apports devient obligatoire.
Attention : Même en l’absence de commissaire aux apports, les associés ne sont pas exonérés de toute responsabilité. Si aucun commissaire n’est nommé ou si les associés retiennent une valeur différente de celle proposée par le professionnel, ils deviennent solidairement responsables pendant 5 ans vis-à-vis des tiers ( article L. 227-1 du Code de commerce ).
Comment est réalisée l'évaluation d'un apport en nature ?
Contrairement à un apport en numéraire, la valeur d’un apport en nature ne peut pas être définie de manière totalement objective. Il ne s’agit pas d’une simple somme d’argent, mais d’un bien qu’il faut interpréter et estimer au plus juste pour en fixer la valeur et déterminer le nombre d’actions à attribuer en échange.
Les bonnes pratiques pour évaluer un apport en nature
En principe, les associés peuvent convenir eux-mêmes de la valeur des biens apportés, tant que les seuils réglementaires ne sont pas dépassés (30 000 € par bien et 50 % du capital social au total). Cette liberté doit cependant s’exercer avec prudence et bon sens. L’objectif est de refléter une valeur réaliste, cohérente avec le marché.
Selon la nature du bien, plusieurs méthodes peuvent être utilisées :
- Pour un bien neuf : se référer à la facture d’achat ;
- Pour un bien d’occasion : comparer avec des biens équivalents sur le marché ;
- Pour un bien spécifique ou complexe : faire appel à un expert (agent immobilier, spécialiste en matériel professionnel, etc.).
Chaque bien doit être évalué individuellement, même si plusieurs apports sont réalisés en même temps.
Les risques d’une surévaluation ou sous-évaluation
Mal évaluer un apport en nature peut exposer à des risques juridiques ou fiscaux.
- En cas de surévaluation, l’associé concerné reçoit un nombre d’actions supérieur à ce que vaut réellement son apport. Le capital est alors gonflé artificiellement, ce qui peut nuire aux créanciers car ces derniers se fondent sur le montant du capital social pour estimer leur garantie de remboursement.
- En cas de sous-évaluation, l’associé se retrouve sous-représenté dans le capital, ce qui le lèse directement. Une telle pratique peut aussi être considérée comme une donation déguisée.
Dans les deux cas, la responsabilité des apporteurs peut être engagée.
À noter : une surestimation frauduleuse peut entraîner de lourdes sanctions pénales, jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende (article L. 244-1 du Code de commerce).
Pour éviter tout litige, il est souvent plus prudent de faire appel à un commissaire aux apports, même lorsqu’il n’est pas obligatoire.
Apport en nature et capital social (fixe ou variable) : quelle incidence ?
Dans une SAS, l’apport en nature entre pleinement dans le calcul du capital social, au même titre qu’un apport en numéraire. La quantité d’actions reçues dépend de la valeur convenue ou estimée du bien.
En SAS, les statuts peuvent prévoir un capital social fixe ou un capital social variable.
Capital fixe |
Capital variable |
Le montant du capital social est figé dans les statuts. Tout apport en nature implique une modification statutaire dès lors qu’il modifie le montant du capital. |
Le capital peut évoluer librement entre un seuil minimum (capital plancher) et un plafond fixé dans les statuts, sans modification statutaire. |
Que le capital soit fixe ou variable, l’apport en nature doit être mentionné dans les statuts. Vous devez inclure :
- la nature et la description du bien apporté ;
- sa valeur d’évaluation ;
- l’identité de l’apporteur ;
- le nombre d’actions reçues en contrepartie.
Quels sont les risques en cas de mauvaise gestion d’un apport en nature ?
L’apport en nature permet de constituer le capital d’une SAS sans mobiliser de liquidités. Mais s’il est mal encadré, il peut vite devenir une source de complications juridiques, fiscales et relationnelles.
Refus d’immatriculation de la société
Si l’apport en nature n’est pas correctement formalisé dans les statuts, ou si certaines pièces obligatoires manquent au dossier, le greffe peut refuser l’immatriculation de la SAS.
Responsabilité des apporteurs engagée en cas de surévaluation
Un bien volontairement ou involontairement surévalué porte atteinte à l’équilibre entre les associés et à la crédibilité financière de la société.
Les apporteurs sont solidairement responsables pendant 5 ans vis-à-vis des tiers (article L. 227-1 du Code de commerce). En cas de litige ou de défaillance de la société, ils peuvent être contraints de compenser la différence entre la valeur déclarée et la valeur réelle du bien.
Sanctions fiscales en cas de dissimulation
Une sous-évaluation peut être considérée comme une donation déguisée entre associés, ou une tentative d’évasion fiscale. La société pourra être exposée à un redressement par l’administration fiscale, avec des amendes, intérêts de retard et parfois des sanctions pénales en cas de fausse déclaration.
Risques de blocage entre associés
Si l’apport en nature n’a pas été validé juridiquement, des conflits peuvent apparaître entre associés. Un associé peut contester la valeur attribuée à l’apport d’un autre, ou refuser d’approuver l’émission d’actions. Ces désaccords peuvent bloquer la constitution de la SAS ou compromettre une augmentation de capital.
Quelle fiscalité s’applique aux apports en nature en SAS ?
Si l’apport en nature ne génère pas toujours d’impôt immédiat, certains biens apportés à une SAS peuvent déclencher des droits d’enregistrement. C’est notamment le cas des apports d’immeubles, de fonds de commerce ou de droits au bail. L’imposition dépend à la fois de la nature du bien et des conditions de l’apport.
Lorsque l’apport en nature porte sur un bien immobilier ou un fonds de commerce, des droits d’enregistrement sont généralement dus.
Ils sont calculés sur la valeur de l’apport :
- apport d’un immeuble ou d’un droit immobilier : droit d’enregistrement fixe de 5 % du montant de l’apport ;
- apport d’un fonds de commerce ou d’un droit au bail : barème progressif (0 % jusqu’à 23 000 €, 3 % entre 23 000 € et 200 000 €, 5 % au-delà de 200 000 €).
Les apports en nature purs et simples bénéficient souvent d’une exonération de droits d’enregistrement. En revanche, cette exonération ne s’applique pas si les 4 conditions suivantes sont réunies :
- l’apporteur est une personne non soumise à l’impôt sur les sociétés (personne physique ou morale) ;
- la société bénéficiaire est soumise à l’impôt sur les sociétés ;
- l’apport porte sur un bien spécifique (immeuble, fonds de commerce, droit au bail, etc.) ;
- l’apport n’est pas soumis à la TVA.
Dans ce cas, les droits d’enregistrement s’appliquent selon les taux habituels.
Bon à savoir : Définition : Un apport en nature pur et simple est un apport rémunéré uniquement par des actions dans la société, sans contrepartie en numéraire ni reprise de dettes.
Apport en nature en SAS : questions fréquentes
Une voiture ou un ordinateur peut-il être apporté en nature ?
Oui, un véhicule ou du matériel informatique peut faire l’objet d’un apport en nature, à condition de respecter certaines règles. L’apport doit être identifié précisément, valorisé et transféré de façon formelle.
L’apport en nature peut-il être retiré plus tard ?
Non, le bien devient propriété de la société et ne peut être repris sauf dissolution ou clause contraire. Un associé apporteur peut toutefois récupérer son bien en nature s’il se retire de la société, à condition que le bien existe encore en nature dans l’actif social et que les statuts le permettent.
Quel est le coût d’un commissaire aux apports ?
En moyenne entre 400 € et 3 000 €, selon la complexité et les biens à évaluer. Par exemple, l’évaluation d’un véhicule coûtera souvent moins cher que celle d’un immeuble ou d’un portefeuille de droits immatériels.
Quel est le montant maximum d'un apport en nature pour une SAS ne nécessitant pas le recours à un commissaire aux apports ?
Un apport en nature peut être réalisé sans commissaire aux apports si aucun bien n’excède 30 000 € et si la valeur totale des apports en nature ne dépasse pas 50 % du capital social de la société. Ces deux conditions doivent être remplies simultanément.
Quels sont les apports autorisés dans une SAS ?
Une SAS peut recevoir trois types d’apports : en numéraire (une somme d’argent), en nature (un bien) ou en industrie (des compétences).
Peut-on réaliser une augmentation de capital par apport en nature ?
Oui, une augmentation de capital par apport en nature est tout à fait possible en SAS. Elle suit la même procédure que celle détaillée dans cet article : évaluation du bien, mention dans les statuts, remise effective à la société, émission d’actions et déclaration de modification auprès du Guichet Unique.
Rédigé par Grégoire Charroyer
Grégoire, avec une décennie d'expertise dans la création de société, il est incollable sur les sujets entrepreneuriaux. Son objectif ? Démystifier la création d'entreprise. Hors du travail, il se passionne pour le tennis, la course à pied et se plonge dans des romans policiers. Sa réalisation la plus folle ? Un service de Dog Sitting couplé à un traiteur à domicile pour chiens, alliant affaires et fantaisie.